Le départ pour la croisade
(Statuts de l'Ordre du Saint-Esprit, XIVe siècle)
Bibliothèque nationale, Paris, MS Fr. 4274, f. 6
Je ne sais pas si c'est un pâturage de bêtes sauvages ou ma maiso, ma demeure natale !
Ce cri d'affliction d'un poète anonyme de Maara n'est pas une simple figure de style. Nous sommes malheureusement tenus de prendre ses mots au pied de la lettre et de nous demander avec lui : que s’est-il donc passé de si monstrueux dans la ville syrienne de Maara en cette fin d’année 1098 ?
Jusqu'à l'arrivée des Franj, les habitants vivaient paisiblement à l'abri de leur muraille circulaire. Leurs vignobles, comme leurs champs d'oliviers et de figuiers, leur procuraient une modeste prospérité. Quant aux affaires de leur cité, elles étaient gérées par de braves notables locaux sans grande ambition, sous la suzeraineté nominale de Redwan d’Alep. La fierté de Maara, c’était d’être la patrie de l’une des plus grandes figures de la littérature arabe, Aboul-Ala al-Maari, mort en 1057. Ce poète aveugle, libre penseur, avait osé s’en prendre aux mœurs de son époque, sans égard pour les interdits. Il fallait de l’audace pour écrire :
Les habitants de la terre se divisent en deux,
Ceux qui ont un cerveau, mais pas de religion,
Et ceux qui ont une religion, mais pas de cerveau.
Quarante ans après sa mort, un fanatisme venu de loin allait donner apparemment raison au fils de Maara, tant pour son irréligion que pour son pessimisme légendaire :
Le destin nous démolit comme si nous étions un verre,
Et nos débris ne se ressoudent plus jamais.
Sa ville sera, en effet, réduite à un amas de ruines, et cette méfiance que le poète avait si souvent exprimée à l'égard de ses semblables trouvera là sa plus cruelle illustration.
Amin Maalouf, Les croisades vues par les arabes (1983 : 53-54)
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Em francês mesmo, porque não conheço a versão portuguesa da obra e confio na sensibilidade estética de Amin Maalouf para ler os versos árabes do poeta cego Aboul-Ala al-Maari...
ResponderEliminarInfelizmente, as guerras em nome da religião têm comprovado que, na verdade, o cérebro faz muita falta...
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