Complètement faux et tout à fait juste
Dürer pose le bec de sa plume sur le papier. Suivant la description
de Hildegarde, au lieu de lui faire une peau épaisse, il enrobe le pachyderme
de plaques, un peu comme s’il portait une armure. On dirait même que les
plaques sont renforcées par des rivets !
Dürer reprend sa respiration, trempe sa plume dans la bouteille d’encre
de Chine et continue son œuvre. Il décide de recouvrir les quatre pattes avec
des écailles. Comme s’il s’agissait d’un dragon. Même si c’est inventé et que
depuis la fin du Moyen Âge plus personne ne croit en l’existence des dragons,
ce détail renforcera le sentiment de puissance.
– J’aime
beaucoup, commente Hildegarde.
Avant de dessiner
la queue, Dürer questionne la jeune femme. Comment était-elle ? Avec
stupeur, l'ancienne bonne réalise qu’elle n’a pas prêté attention à ce détail.
Elle n’a jamais vraiment regardé la queue du rhinocéros !
– Je vais le
doter d’une queue d’éléphant.
– Justement,
sourit l’artiste. Il possédera une partie de son adversaire. Comme un trophée.
Et puis ça résumera le combat entre les deux pachy-dermes pour le titre d’animal
le plus fort du monde.
La lumière commence à décliner. Le soleil de novembre n’est pas très généreux. Et le travail à la bougie rebuste Dürer : il souhaite préserver sa vue, c’est-à-dire son bien le plus précieux. Tandis que Hildegarde contemple le résultat avec émerveillement, l’artiste nettoie sa plume soigneusement, puis la dépose dans son boîtier.
La lumière commence à décliner. Le soleil de novembre n’est pas très généreux. Et le travail à la bougie rebuste Dürer : il souhaite préserver sa vue, c’est-à-dire son bien le plus précieux. Tandis que Hildegarde contemple le résultat avec émerveillement, l’artiste nettoie sa plume soigneusement, puis la dépose dans son boîtier.
Mais, au moment
de quitter l’atelier une idée jaillit dans son esprit. Il retourne aussitôt à
la table afin d’ajouter une deuxième petite corne sur la nuque. Torsadée et
effilée, elle ressemble à une corne de licorne en miniature.
– Pourquoi
avez-vous fait ça, maître Albrecht ? Je vous assure que le rhinocéros de
Lisbonne n’a qu’une seule corne. Sur le nez. Tous les témoignages concordent...
– Tu m’as dit
que, durant quelques jours, les gens ont cru qu’il s’agissait d’une licorne. Ça
parle de notre époque.
Hildegarde n’est
pas convaincue et voudrait que Maître Albrecht retire ce détail.
– Le dessin
est achevé, décrète Dürer.
Eugène, Ganda (Genève: Slatkine, 2018, 157-158)
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