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FLAGRANTE DELITRO Fernando Pessoa, inspirado por Omar Khayyam,no Abel Pereira da Fonseca de Lisboa (1929) |
Rubaiyat
OMAR KHAYYAM
Je suis
allé à la mosquée, j’y ai volé un tapis.
Bien
plus tard, je me suis repenti,
Je suis
retourné à la mosquée : le tapis était usé,
Il
fallait le changer.
………………………………………………......
Verse-moi
de ce vin, que je lui dise adieu
Adieu
au nectar rose comme tes joues en feu.
Las,
mon repentir est aussi droit et sincère
Que l’arabesque des boucles
de tes cheveux.
Tu bois
du vin, tu es face à la vérité,
Devant
les souvenirs de tes jours en allés,
Les
saisons de la rose, les amis enivrés.
Dans
cette triste coupe, tu bois l’éternité.
FERNANDO PESSOA
La joie
suit la douleur, et la douleur la joie.
Nous
buvons du vin car c’est fête, parfois
Nous
buvons du vin dans la grande douleur.
Mais de l’un ou l’autre vin,
il en reste quoi ?
Après
les roses, échanson, tu as versé
Le vin
dans ma coupe et tu t’es éloigné.
Qui est
plus fleur que toi, qui t’es enfui ?
Qui est
plus vin que toi, qui t’es refusé ?
………………………………………………
On dit que le bon Khayyam repose
À
Nishapour parmi les fragrantes roses
Mais ce
n'est pas Khayyam qui gît là-bas,
C'est ici
qu'il se trouve, et c'est lui nos roses.
MATHIAS ÉNARD
Sarah
me parlait des tavernes de Lisbonne où Fernando Pessoa allait boire, entendre
de la musique ou de la poésie, et effectivement, elles ressemblaient dans son
récit aux meykhané iraniennes, à tel point que Sarah ajoutait ironiquement
que Pessoa était un hétéronyme de Khayyam, que le poète le plus occidental et
le plus atlantique d’Europe était en réalité un avatar du dieu Khayyam…
Mathias Énard, Bussole (2015 : 73, 326, 328 & 376)