Aucline Quiec avec privilège du roi - Vue et perspective du Jardin potager de Versailles |
Jean-Baptiste de la Quintinie et le jardin potager du Roi-Soleil
« Le jardinier avait suivi les plans du Roi à la lettre : le jardin serait composé d'un espace central en creux constitué de seize carreaux encadrant une large pièce d’eau circulaire, auxquels seraient ad-joints, à l'entour, une trentaine de petits jardins rectangulaires sépa-rés les uns des autres par de hauts murs de refend. “ Dans cet es-pace parfaitement réparti et protégé du vent, écrivit-il à Neuville, je serai en mesure de cultiver ce que bon me semblera. Je taillerai, modèlerait mes arbres. Les fruitiers, exposés régulièrement et de toutes parts à la chaleur du ciel, donneront, j’en suis convaincu, le meilleur d’eux-mêmes. C’est merveille, pour moi, de contribuer à construire et à embellir ce monde ”
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“ Pourquoi, demanda Neuville, avoir cerclé votre terre de remparts, séparé vos petits jardins par des murs infranchissables ? J'observe les plans que vous m'avez adressés, et je ne vois que cloisons, sé-parations rigoureuses, allées rectilignes. Pardonnez ma franchise, cher ami, mais je ne parviens pas à comprendre la présence de ces murailles qui ferment le monde au lieu de l’agrandir. Pourquoi vous couper ainsi de l'univers, quand aujourd'hui tout nous appelle au-dehors, quand le monde s'agrandit sous nos pas et que nos yeux touchent aux étoiles lointaines ? ”
“ Votre franchise me touche, lui répondit le jardinier. Ces murs dont vous déplorez l'existence, je les ai voulus comme des tuteurs pour mes fruitiers. J'ai surtout voulu ces espaces enclos comme des abris. Vous ne devinerez jamais combien il m'est agréable de trouver refuge au creux d'une parcelle isolée, à toute heure du jour ou de la nuit, bien loin de tout. Et là, la tête penchée sur chacun de ces territoires cachés, le monde s'anime librement : l'herbe pousse la fleur qui la gêne, la limace escalade avec précaution une feuille de laitue, la sauterelle bondit prodigieusement d'une herbe à une autre, la fourmi transporte avec elle une graine plus grosse qu'elle. Et moi, moi je n'existe plus au cœur de ces petits univers qui me sont, chacun, bien plus grands que vos galaxies tout entières. Quand viendrez-vous ici où tout vous attend, où je vous attends ? ”»
Hélas, quelle belle idée, si poétique! Et comme je me sens bien dans la peau de ce jardinier si créatif! Merci pour la partage de ce beau texte, Prof.!
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