J'ai décidé de me faire euthanasier...
Il se tourna vers son fils, le regarda droit dans les yeux. « Ça
me paraissait mieux de te prévenir, et je ne me voyais pas t'en parler au
téléphone. Je me suis adressé à une organisation, en Suisse. J'ai décidé de me
faire euthanasier ».
Jed ne réagit pas immédiatement, ce qui laissa le temps à son père
de développer son argumentation, laquelle se résumait au fait qu'il en avait
marre de vivre.
« Tu n'es pas bien ici ? » demanda enfin son fils
d'une voix tremblante.
Si, il était très bien ici, il n'aurait pas pu être mieux, mais ce
qu'il fallait qu'il se mette dans la tête c'est qu'il ne pouvait plus être bien nulle
part, qu'il ne pouvait plus être bien dans la vie en général (il
commençait à s'énerver, son débit devenait fort et presque colérique, mais le
vieux chanteur avait de toute façon sombré dans l'assoupissement, tout était
très calme dans la pièce). S'il devait encore continuer il allait falloir lui
changer son anus artificiel, enfin il trouvait que ça commençait à suffire,
cette plaisanterie. Et puis il avait mal, il n'en pouvait plus, il souffrait
trop.
« Ils ne te donnent pas de morphine ? » s'étonna
Jed.
Oh si on lui donnait de la morphine, autant qu'il en voulait
évidemment, ils préféraient que les pensionnaires se tiennent tranquilles, mais
est-ce que c'était une vie, d'être constamment sous l'emprise de la
morphine ?
À vrai dire Jed pensait que oui, que c'était même une vie
particulièrement enviable, sans soucis, sans responsabilités, sans désirs ni
sans craintes, proche de la vie des plantes, où l'on pouvait jouir de la
caresse modérée du soleil et de la brise. Il soupçonnait pourtant que
son père aurait du mal à partager ce point de vue. C'était un ancien chef
d'entreprise, un homme actif, ces gens-là ont souvent des problèmes avec la
drogue, se dit-il.
« Et puis d'ailleurs, en quoi est-ce que ça te
regarde ? » lança agressivement son père (Jed prit alors conscience
qu'il n'écoutait plus, depuis un certain temps déjà, les récriminations du
vieillard). Il hésita, tergiversa avant de répondre que si, quand même, en un
sens, il avait l'impression que ça le regardait un peu. « Déjà, être un
enfant de suicidé, ce n'est pas très drôle... » ajouta-t-il. Son père
accusa le coup, se tassa sur lui-même avant de répondre avec violence :
« Ça n'a rien à voir ! »
(Paris: Flammarion - « J'ai lu », 2010, 331-332)
Um excerto extraordinário, que tão bem enquadra a problemática da eutanásia. É de louvar a lucidez do autor, que tão bem salienta as razões de quem chegou ao limite das suas resistências físicas e psicológicas e deseja pôr fim a uma existência cujo fim já está anunciado, assim como as razões pessoais dos familiares que se escudam nas regras da vida em sociedade, que aos direitos individuais pretendem impor-se. Quem já teve de entrar com frequência num lar onde há seres humanos em sofrimento, que ali se amontoam como gado à espera de abate, onde a assistência é normalmente deficitária, compreende a opção pela eutanásia de um ser humano que já não vive, apenas sobrevive. Nascer, viver e morrer fazem parte da nossa existência como humanos. Que tenhamos a sorte de realizar os três atos com dignidade.
ResponderEliminarExtraordinária é sempre a escrita de Houellebecq, controversa e polémica, por isso é tão apreciado por uns e detestado por outros. É precisamente o caráter provocatório que imprime aos temas tratados nos seus romances que mais me fascinam e convidam à sua companhia anticonvencional através da escrita.
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